L’Aigle et le Vautour, fable Richer

Un jour l’oiseau de Jupiter,
CĂ´toyant les bords de la mer,
Fit rencontre d’une huĂ®tre.
Il l’aurait dĂ©vorĂ©e
Très-volontiers; mais l’huĂ®tre tenait bon
Contre les coups de bec, et se tenait serrée
Sans vouloir ouvrir sa maison.
Toute huĂ®tre qu’elle Ă©tait, elle avait bien raison.
Il ne faut pas chez nous donner entrée
A gens pareils. L’aigle ne savait plus
Comment s’y prendre. Après maints efforts superflus,
II consulta sur cette affaire
Un docteur du canton. c’Ă©tait un vieux Vautour.
MaĂ®tre Gonin. qui savait plus d’un tour.
« Ouvrir l’huĂ®tre, seigneur, est chose aisĂ©e Ă  faire.
RĂ©pondit le subtil escroc ;
Faites-la tomber sur un roc,
Mais de bien haut, voilà tout le mystère. »
L’aigle le croit. Il vole au haut des cieux.
Sans se douter de sa surprise,
Laisse tomber l’Ă©caillĂ©, qui se brise,
Et fait voir en s’ouvrant un mets dĂ©licieux.
Mais, d’en tâter, qui des deux eut la joie?
Ce fut notre larron. Il fondit sur la proie
Dans le moment, et l’aigle, de retour,
Vit qu’il avait ouvert l’huĂ®tre pour le vautour.

« L’Aigle et le Vautour »

(*) Cette expression, maĂ®tre Gonin, Ă©quivaut Ă  celle-ci; maĂ®tre Fripon. Cette locution remonte au XVIe siècle, et peut-ĂŞtre au delĂ . On croit gĂ©nĂ©ralement que c’Ă©tait le nom propre d’un fripon d’autrefois, appliquĂ© dans la suite Ă  tous ceux qui lui ressemblaient.

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